Abyssal
Le mistral dans mes cheveux sales et ma barbe naissante.
Le fracas des vagues contre la roche.
Le cri déchirant et le murmure inaudible de l’eau.
L’écume à mes pieds.
Il y’en a un, dont j’ai oublié le nom, dont j’ai oublié la plume,
Qui écrivit que tout homme libre devait chérir la mer.
Ô combien l’ai-je chérie, combien l’ai-je crainte.
Combien ai-je pu regarder au plus loin de son horizon ?
Infime partie de son infinité.
Au matin blême, quand je quittais le pays,
En voyant s’éloigner la terre, en souriant,
Je réalisais que ma place était là, et nulle part ailleurs.
Accompagné seulement du cri des mouettes, sur un navire sans équipage.
La pipe aux lèvres.
Le sel sur ma peau.
Seul, infiniment petit, au milieu des immensités.
Je caressais l’absence de vitesse.
J’avais banni la course effrénée.
Je dormais en paix.
Bercé par les eaux.
Maintenant le temps n’est plus.
Combien de jours, combien de mois ?
Mourant sur la plage.
Maigre et assoiffé.
Laissant couler de longues poignées de sable entre les doigts de mes mains meurtries.
Admirant les planches éparses de mon navire, touché par la colère des cieux.
Tout est trouble.
Tout est mort.
Tout est noir.
Abyssal.